Rencontre avec Blandine Mocquart, lauréate des Vinalies Internationales à seulement 25 ans avec un champagne très personnel
À seulement 25 ans, l’œnologue Blandine Mocquart devient lauréate des Vinalies Internationales, récompensée d’une médaille d’argent pour son champagne « Gourmandise 2019 ».
La relève du Champagne Mocquart-Esmard est désormais assurée. Blandine Mocquart, œnologue diplômée il y a peu, incarne une nouvelle génération de travailleurs du vin et de la vigne. Forte d’un parcours scolaire appliqué et d’un apprentissage minutieux, la vingtenaire a fait concourir dans la compétition des Vinalies Internationales sa toute première cuvée : un champagne rosé 100% pinot noir dont le nom évoque le souhait d’un profil aromatique du champagne en question, «Gourmandise 2019». Sous le regard du viticulteur paternel, la lauréate champenoise est l’auteur d’une première création qui pourrait rappeler un goût quelque peu oublié, celui des champagnes secs, fruités, loin des bruts vers lesquels les amoureux du champagne se rapprochent plus facilement. En outre, ce millésime représentait un véritable pari pour elle et sa famille. Un challenge réussi qui lui a valu une médaille d’argent. Blandine Mocquart entame aujourd’hui un long chemin de découvertes et d’expériences entre la vigne et le vin, assuré par cette première récompense. Elle a accordé une interview au Figaro Vin.
Quel a été votre parcours jusqu’ici ?
BLANDINE MOCQUART. Malgré la profession de mes parents, je ne m’étais pas faite à l’idée de travailler dans le vin. Je partais pour une carrière dans la pédiatrie. Finalement, je me suis rendu compte que je me trompais de voie et que mon chemin était évident. Je suis créative, j’aime la nature et c’est ainsi que j’ai compris que je devais me spécialiser dans la vigne. Je me suis donc dirigée vers Dijon pour faire ma licence Sciences de la Vigne et ensuite mon diplôme d’œnologue. Dans mon parcours, j’ai toujours trouvé un intérêt particulier pour le travail en fût et l’élevage des vins tranquilles.
Quelle a été votre réaction face à votre récompense à un concours reconnu ?
Comme ma cuvée n’avait jamais été présentée à un concours, je me suis dit pourquoi pas. Lorsque nous avons reçu le résultat, nous avons été heureux et surpris. Par rapport à mon parcours, il a une véritable reconnaissance du travail accompli. Peut-être à raison, pour mon père, c’était risqué de présenter un champagne sec (un champagne sec contient entre 17 et 32 g de sucre par litre, alors qu’un brut, la catégorie la plus vendue, en contient entre 6 et 12 g, NDLR) ;Il est donc un petit peu plus, sucré et pour mon père, ce sont des goûts plutôt vieux, qui manquent de modernité et cela représentait un véritable challenge de savoir si ces goûts pouvaient encore plaire aujourd’hui. La preuve en est que ce millésime est réussi.
Citez-moi trois mots pour définir votre champagne ?
Gourmand, fruité, élégant.
En quoi votre champagne rosé marque-t-il sa différence ?
J’ai voulu utiliser une partie de mon apprentissage en Bourgogne pour la ramener dans ma cuvée. Je suis donc partie sur le côté fruité mais tout en légèreté. Ma ligne conductrice, c’est un goût qui puisse plaire au plus grand nombre. Pour la robe, j’ai souhaité avoir un rosé intense. En termes de couleur, je voulais quelque chose qui attrape le regard, je n’aime pas les rosés pâles, j’ai donc travaillé sur des macérations un peu longues. La bulle est très fine, toute en élégance. Le nez est très gourmand, il attrape des arômes de fruits rouges frais, de cerise et de fraise. Au niveau du palais, malgré un dosage sec, nous avons une gorgée fine et légèrement acide.
Quelles ont été vos inspirations ?
J’ai créé cette cuvée en m’inspirant des macérations et des techniques de vinification que j’avais rencontrées au cours de ma formation en Bourgogne. J’ai travaillé uniquement avec un pinot noir car c’est le cépage qui a été mis en place au début de l’histoire du domaine familial par mon grand-père. Ça me tenait vraiment à cœur, c’est mon cépage de cœur.
Avec quoi le dégusteriez-vous ?
Autant à l’apéritif, bien frais qu’avec un dessert pas trop sucré. Le chocolat est idéal pour contrebalancer le fruit.
Cette première création en appelle-t-elle une suivante ?
J’ai effectivement d’autres créations qui sont en attente. J’aimerais mettre en place le travail du fût au domaine. On ne vinifie actuellement que du chardonnay et du pinot noir. Nous allons certainement planter du pinot meunier et du pinot blanc pour élargir la gamme. Cela me tiendrait à cœur de sortir des coteaux champenois. Au départ, j’aime le travail du vin tranquille et des élevages qui durent dans le temps, donc pourquoi ne pas se lancer !
Dans quelle mesure vos parents vous ont-ils accompagnés dans ce processus ?
Mes parents m’accompagnent et me poussent avec fierté à créer mon parcours. Mon père c’est la troisième génération sur notre domaine, il a toujours présenté ses vins à des concours et nous avons déjà reçu des récompenses sur des cuvées traditionnelles. Mais cette cuvée, je l’ai réalisée du début à la fin, avec des techniques que mon père n’employait pas comme les macérations pré fermentaires à froid, des essais avec l’inertage à l’azote. Il a toujours son regard et son expérience qui nous accompagnent mon frère et moi dans notre travail. Mon frère s’occupe de la vigne, et moi du vin. Il m’a laissé libre cours à ce que je voulais faire. Aujourd’hui, je souhaite évidemment garder les méthodes et les outils traditionnels. À l’avenir, je voudrais conserver ce principe de réaliser une cuvée personnelle et éphémère.
Pourquoi avoir limité la production à 404 bouteilles ?
Ce champagne n’est pas forcément amené à rester une cuvée en sec, cela peut évoluer suivant les millésimes. La première réflexion que je me suis faite c’est que je tente quelque chose mais cela va-t-il amener du plaisir ? Par mesure de précaution, j’ai préféré limiter les quantités pour cette première cuvée.
L’œnologue est à la fois un scientifique et un philosophe du vin ?
Je suis très terre à terre, la technique et la théorie sont très importantes mais je suis toujours étonnée de constater l’évolution du vin. Ce qui me fascine, c’est que si l’on donne le même raisin au départ à deux vignerons différents, la matière première et la technique sont la même, le vin final ne sera pas la même. Le vin reflète le producteur. La philosophie repose pour moi dans la relation entre le vin et son créateur.
Avez-vous un regard sur le statut des femmes dans un monde encore très masculin ?
J’ai toujours été mise sur un pied d’égalité. Les femmes ont totalement leur place dans ce monde. J’ai toujours été accompagnée de femmes dans mon parcours, autant dans mes formations qu’au domaine. Je n’ai pas encore de vie de famille, je suis jeune, tous les paramètres sont réunis et je me sens totalement à ma place et ancrée dans le milieu viticole.
Source : Carla Faure https://avis-vin.lefigaro.fr/